L'éthique en photographie animalière



Préambule

La photographie animalière fait de plus en plus d'émules et tous les jours des centaines de nouveaux adeptes arpentent les milieux naturels en quête du cliché d'exception ! Cependant même si la photographie animalière a souvent aidé à faire connaître la faune et à sensibiliser le public à la protection de la biodiversité, il est impératif que toutes les personnes qui désirent pratiquer la photographie animalière soient conscientes de l'impact qu'elles peuvent avoir sur leurs sujets.
Je me permets donc de vous livrer ici mes réflexions sur le sujet. Il est très difficile d'être synthétique et catégorique sur le thème, tant les situations peuvent être différentes d'une région à l'autre, d'une espèce à l'autre et d'une méthode à l'autre, aussi je fais confiance à votre bon sens pour en capturer l'esprit sans penser que je veuille vous donner ici une quelconque leçon de morale.
Voici donc mes conseils et pistes pour une approche raisonnée de la photographie animalière, respectueuse des espèces, des milieux et des populations rencontrées.



Il est de première importance de se renseigner sur la biologie et l'éthologie des animaux que l'on souhaite photographier. Connaître le comportement de l'animal, son mode de vie et ses fragilités permet d'aborder au mieux la prise de vue.








Respectez les lois

Personne n'est censé ignorer la loi, en voici quelques une applicables à la photographie animalière en France.
Certains animaux du fait de leur rareté sont protégés par la loi, code de l'environnement Art. L. 411-1.
"La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat sont interdit".
Les espèces concernées de faune et flore sont inscrites dans des listes nationales et régionales, il convient à chacun de s'en informer. On y trouve, entre autres pour la France, tous les oiseaux (sauf ceux déclarés gibiers ou nuisibles), le hérisson, les amphibiens et les reptiles, les orchidées sauvages, des libellules, des papillons, etc.
Pour certaines espèces en voie de disparition (liste dans l'arrêté du 9 juillet 1999); la recherche, la poursuite, la prise de vues ou de son et la chasse photographique sont réglementés.
Un article (L133-1) du code forestier, permet de fermer, si nécessaire et pour éviter tous dérangements les zones sensibles pour la faune (place de brame du cerf, aire de parade du grand tétras, Zone des nids des rapaces entre autres).
L'arrêté du 1 août 1986 interdit de rechercher le gibier à l'aide de sources lumineuses.
La circulation à pied dans les campagnes est autorisée partout sauf dans les propriétés fermées et clôturées. Il est recommandé dans la mesure du possible de demander les autorisations aux propriétaires surtout en cas de mise en place d'un affût fixe pour une longue durée.

Il est donc vivement recommander de se renseigner sur ces lois pour les respecter


Respectez vos modèles

Les animaux de certaines contrées sont soumis à un stress permanent dû à la chasse et à la pression humaine. Ils sont craintifs et inquiets, pénétrer leur domaine pour les photographier n'est jamais anodin pour eux. Pour ces animaux-là il faudra redoubler de précautions, se camoufler, se fondre dans le paysage, aller jusqu'à dissimuler son odeur, ne pas disperser son urine sous peine de les stresser un peu plus !
Tous les animaux ont leur distance de fuite (la distance de fuite représente chez les animaux la distance à partir de laquelle un élément jugé menaçant les pousse à fuir où réagir), il convient de la respecter, aussi bien pour le confort et la tranquillité de l'animal, que pour la sécurité du photographe. Dans les cas d'approche de groupe d'animaux, veillez à ne pas vous interposer entre les individus, cela cause un sentiment d'insécurité pour ces animaux. Ceci est particulièrement vrai pour les groupes mères-petits et cela peut être très dangereux pour le photographe avec certaines espèces (ours, félins...).
Il convient d'être très prudent lors de la photographie de très jeunes animaux, l'insistance du photographe peut entraîner leur abandon par les parents, les livrant ainsi à une mort certaine.
La photographie des animaux pendant leur période de reproduction est toujours délicate, une maladresse peut compromettre la reproduction de l'année. Les photographies d'oiseaux au nid sont très délicates à réaliser, dans tous les cas, même pour ceux qui pensent maîtriser la situation, elles font toujours prendre un risque d'abandon de la couvée.
Il n'est pas convenable de poursuivre, rabattre, harceler, effrayer les animaux pour avoir une image d'action.
Les espèces nocturnes peuvent être gênées par des éclairages trop puissants, leur éblouissement dépend de la lumière ambiante, de la sensibilité de leur rétine et de l'orientation du faisceau lumineux . D'une manière générale, évitez de les éclairer directement et de face. Les yeux des chouettes et hiboux sont particulièrement sensibles aux éclairs de flash , les animaux sont éblouis par l'éclair et ne peuvent plus chasser pendant plusieurs minutes. Attention l'éclairage de nuit pour rechercher des animaux est interdit en France (arrêté du 1 août 1986)
Les animaux en cours de migration font un parcours long et périlleux, leurs organismes sont soumis à rude épreuve, il est donc conseillé de faire très attention, de ne pas les obliger à faire des efforts supplémentaires en les faisant fuir ou en les chassant de leur zones de nourrissage (ceci est particulièrement vrai pour les jeunes de l'année).
Mettre les insectes au réfrigérateur pour diminuer leur ardeur à fuir l'objectif n'est pas naturel, il semble plus convenable de profiter de leur engourdissement matinal naturel pour réaliser un cliché.
Photographier les poissons hors de l'eau n'est ni esthétique ni "agréable" pour le modèle ! Au minimum il faut les mettre dans un aquarium en faisant attention à la qualité de l'eau ou, ce qui est bien mieux, s'immerger pour les photographier chez eux !
Les animaux en hibernation (comme les chauves-souris) ne semblent pas être facilement dérangés, cependant chacun de vos passages à proximité les tirera de leur profond sommeil. L'hibernation est un moment critique pour ces animaux pendant lequel ils vivent au ralenti en consommant les graisses accumulées durant l'été, il peut donc être criminel de leur faire consommer leurs ressources en les réveillant de manière répétitive, brusque ou insistante.


Respectez le biotope de vos sujets

Si vous photographiez des animaux exotiques achetés en animalerie (reptiles, insectes, oiseaux, etc.), ne jamais les relâcher dans le milieu naturel, leur arrivée dans un milieu qui n'est pas le leur perturbe les écosystèmes en place, ce qui peut entraîner la disparition d'espèces locales !
Ne modifiez pas exagérément l'environnement de vos modèles en coupant des herbes gênantes pour la prise de vue, cela peut dévoiler la présence de votre modèle à son prédateur !


La manipulation des animaux sauvages

Il faut toujours préserver le bien être de l'animal, même si certaines espèces semblent tolèrent "bien" la manipulation, elle reste stressante parce qu'inhabituelle pour un animal sauvage.
Attention cela est interdit par la loi pour certaines espèces !
Il faut se rappeler que :
Lors de la manipulation des animaux à sang froid (reptiles, amphibiens), vous réchauffez par contact votre modèle ce qui peut compromettre sa survie !
Lors de la manipulation d'amphibiens mouillez-vous les mains au préalable sinon vous retirez le mucus protecteur qu'ils ont à la surface de la peau, de plus il est vital qu'ils ne se dessèchent pas !
Attention aux maladies que vous pouvez propager, actuellement beaucoup d'amphibiens meurent de la chytridiomycose, c'est une mycose qui attaque leur peau. Vous pouvez sans le savoir porter le champignon d'une mare à l'autre sur vos mains ou même sur vos bottes.
Si vous portez des gants en latex pour manipuler les amphibiens exotiques, pensez que le talc dont ils sont enduits peut être toxique pour eux.
Les animaux vivent sur leurs territoires qu'ils connaissent parfaitement, où ils savent trouver leur nourriture, éviter leurs prédateurs et où ils ont le gîte qui leur convient. Veillez donc, à les relâcher à l'endroit précis où vous les avez trouvés !
Manipuler des insectes est très difficile tant ils sont petits et fragiles, le mieux est d'éviter toute manipulation en particulier pour les papillons.


Attirer ou appâter les animaux sauvages

S'il est vrai que de nourrir des animaux sauvages en période de disette semble à priori une bonne action, cela peut aussi leur être préjudiciable. Faites attention à leur fournir une nourriture adaptée, à maintenir la mangeoire propre (les regroupements facilitent la transmission des maladies), à ne pas rendre les animaux dépendant de votre nourrissage, à ne pas favoriser la prédation et à ne pas déclencher des conflits territoriaux .
Nourrir ou appâter les animaux de grande taille peut faire naître des conflits entre l'animal et les humain, car l'animal fait une association humains égale nourriture et donc il s'approche des villages et des personnes pour y rechercher sa nourriture et c'est là que les ennuis commencent pour lui !
Attirer des animaux en diffusant des enregistrements de leurs cris et/ou chants ou en répandant des phéromones n'est pas anodin, cela change leur comportement et trouble leurs activités en cours, cela peut aller jusqu'a la mort de certains individus .


Photographier des animaux captifs

En photographiant des animaux captifs dans les parcs, zoos, enclos ou issus d'animalerie, vous donnez caution à l'activité de détention des animaux ! C'est à vous de juger, de savoir ce qui justifie que des animaux sauvages soient enfermés, est ce une œuvre de protection ou une activité commerciale ou... À vous d'y réfléchir et de décider selon le cas !


En voyage dans les réserves naturelles

Informez-vous sur la réglementation en vigueur et respectez-la.
Ramenez vos poubelles avec vous, ne laissez derrière vous que vos empreintes de pas !
Dans les zones naturelles sensibles, si vous restez plusieurs jours ; pensez à utiliser des produits de toilette complètement biodégradables.
Ne cueillez ou prélevez rien, n’achetez pas de souvenir d'origine animale.
En achetant des animaux capturés par les communautés locales pour la photographie, vous contribuez à la mise en place d'un commerce qui ne manquera pas de mettre en danger la survie des animaux convoités.
Ne sortez pas des sentiers ou pistes autorisés.
Évitez de rester sur un spot où vous sentez que les animaux sont dérangés par votre présence.


Conclusion

A chaque sortie nature il est bon de se rappeler , que la photographie animalière, comme toutes les autres activités de nature, a un impact non négligeable sur la faune et l'environnement et il serait dommage que le photographe animalier devienne une menace de plus !!!
La photographie animaliére est une très belle façon de découvrir la nature, gardons lui une réputation exemplaire.